Les planches permanentes

Planche permanente

Au Jardin Ouroboros, comme beaucoup de maraîchers et maraîchères, nous travaillons en planches permanentes… mais qu’est-ce que cela signifie ? Vous vous en doutez, il n’est pas question de bricolage. Voyons donc de quoi il retourne et comment on peut appliquer ce principe au potager !

Le travail du sol au potager

On appelle planche de culture l’espace qui va recevoir les semis et plantations pendant la saison. En maraîchage, ce sont souvent de longues bandes de plusieurs dizaines de mètres. Elles sont séparées par des espaces où l’on marche et que l’on appelle passe-pieds. Les dimensions sont déterminées par la façon dont on cultive. Si l’on utilise un tracteur, c’est la largeur de voie entre les roues qui détermine celle des planches, souvent aux alentours de 120 voire 150 cm. Les fermes maraîchères qui travaillent sans tracteur préfèrent en général des bandes plus étroites, entre 75 cm et 1 mètre.

Dans beaucoup de fermes, les planches sont redessinées à chaque culture. Mais on peut également faire le choix de les tracer une fois pour toutes. On parle alors de planches permanentes car elles restent au même emplacement saison après saison.

Le sol et sa structure

La porosité du sol est un élément indispensable de sa fertilité. Il faut que l’eau et l’oxygène circulent librement dans le sol pour que les racines des plantes puissent s’y établir. Les cultures donnent alors le meilleur d’elles-mêmes ! Or, l’or noir du jardin est bien souvent tassé par toutes les interventions du jardinier : piétinement, passage de roues, tassement sous l’effet de la pluie ou de l’arrosage. C’est d’autant plus vrai sur les sols contenant une forte proportion de limon ou d’argile, qui ont une forte prédisposition à la compaction.

Les stratégies contre le tassement

La première option, et la plus traditionnelle, consiste à travailler régulièrement le sol avec des outils. C’est ce que font les agriculteurs lors du labour. Geste que l’on peut reproduire au jardin, à plus petite échelle, avec une bêche ou une motobineuse. L’avantage est d’obtenir rapidement un sol meuble, mais seulement pour une courte durée. En effet, le travail mécanique répété du sol a tendance à le déstructurer en perturbant la vie microbienne et en accélérant la minéralisation de l’humus. De plus, on risque de former une semelle dure à la profondeur à laquelle on travaille, en lissant le sol avec l’outil. Cette semelle bloque la croissance des racines et la circulation de l’eau, et est donc à terme préjudiciable aux cultures.

La seconde stratégie repose justement sur la vie du sol. L’idée ici est de ne plus retourner le sol, mais de laisser faire le travail aux vers de terre et aux myriades d’insectes, bactéries et autres champignons microscopiques qui peuplent le sous-sol. Ceux-ci vont en effet se nourrir de l’ensemble des débris végétaux tombés au sol, et y creuser des galeries. On aboutit ainsi à un sol à la fois riche et meuble où l’eau, l’oxygène, les éléments nutritifs et les racines circulent aisément, comme dans la litière d’une forêt. Cet équilibre est bien plus lent à mettre en place, mais également bien plus pérenne.

Planche permanente

Certains agriculteurs font donc le choix de diminuer voire arrêter le travail du sol afin de préserver toute la vie qui s’y niche. On regroupe ces pratiques sous le terme d’Agriculture Biologique de Conservation pour les cultures céréalières et de Maraîchage sur Sol Vivant pour la production de légumes.

Comment le mettre en pratique au jardin ?

Le premier élément fondamental est de ne plus utiliser d’outils qui retournent le sol, comme la bêche et la motobineuse. Si l’on a besoin d’ameublir le sol, on préférera la grelinette ou la campagnole. Elles sont constituées de dents profondes qui n’inversent pas les horizons du sol. En surface, un passage de croc à fumier et de râteau permettra de travailler les premiers centimètres pour faciliter les semis et plantations.

Le second élément principal est de nourrir le sol avec de grandes quantités de matière organique. On ne parle pas d’engrais ici, car on ne cherche pas à nourrir directement les plantes, mais plutôt à alimenter la vie du sol qui restituera ensuite les nutriments aux racines. Il faut donc amender la parcelle avec des éléments qui seront lentement digérés par la vie du sol : paille, foin, compost, feuilles mortes, tonte d’herbe… On peut même aller jusqu’à créer une butte en lasagne. Il est difficile de donner des recommandations sur l’épaisseur à apporter. Elle est variable selon l’état du sol et la qualité des amendements. Attention, si le sol est très appauvri, il faudra fractionner les apports. En effet, il ne saurait digérer une grande quantité de matière organique d’un seul coup. Il faut laisser le temps à l’écosystème du sol de se reconstituer !

Et ensuite ?

Une fois que l’on a défini nos espaces de culture, et après les avoir amendés en matière organique, il est important de ne plus les compacter par des passages réguliers. C’est là qu’intervient la notion de planches permanentes. On va fixer définitivement les espaces cultivés et les zones de passage, pour ne plus piétiner n’importe où.

Enfin, pour préserver la biodiversité du sol, il faudra s’assurer de lui offrir le gîte et le couvert tout au long de l’année. Garder des couverts le plus souvent possible est un excellent moyen de stimuler la vie du sol. On peut mettre en place des paillages naturels ou encore des engrais verts.

Planche permanente

Évidemment, les produits phytosanitaires sont à bannir du potager. C’est aussi le cas des engrais chimiques de synthèse qui sont néfastes pour les micro-organismes, en plus d’être très coûteux. De même, il existe dans le commerce des compositions destinées à favoriser la vie du sol. Aucune n’est très probante à ce jour. Il semble plus simple et efficace de laisser le temps à la biodiversité de se reconstituer d’elle-même !

En conclusion

Le maraîchage sur sol vivant regroupe donc un ensemble de pratiques visant à restaurer la biodiversité du sol. Ceci permet de garantir la fertilité et la structure des parcelles. On peut aisément reproduire ces techniques au potager, notamment en créant des planches permanentes et en abandonnant une partie de nos outils !

Cela ne veut pas dire pour autant qu’il est interdit de travailler son sol. En fonction des conditions locales, sur des terres très compactées ou très enherbées, il peut être nécessaire d’effectuer un travail mécanique avant de pouvoir planter. Comme souvent au potager, c’est la répétition saison après saison qui est potentiellement préjudiciable. La bonne nouvelle est que l’on peut inverser la tendance et restaurer la vie du sol par des amendements organiques appropriés.

Pour en savoir plus :

Panier
Retour en haut